Réponse et programme – Les Verts
Ci-joint la réponse détaillée adressée par
Adèle Thorens
Coprésidente des Verts suisses
Conseillère nationale
Quels sont en synthèse, les grands thèmes sur lesquels votre parti base sa campagne pour la législature 2015-2019.
1. La réalisation du tournant énergétique et une gestion durable des ressources:
Beaucoup de citoyens pensent que tout est joué en matière énergétique et que la Suisse sort du nucléaire, or la Stratégie énergétique est menacée au parlement et la Suisse est à la traîne en matière d’énergies renouvelables. De plus, la Stratégie énergétique reste très favorable au nucléaire puisqu’elle permet la prolongation de la durée de vie de nos vieilles centrales nucléaires, alors que nous avons déjà en Suisse la plus vieille centrale nucléaire au monde encore en fonction. Les Verts veulent au contraire une sortie programmée du nucléaire, qui exige la fermeture de nos vieilles centrales après 45 ans de durée de vie et une politique de développement ambitieuse des énergies renouvelables et de l’efficience énergétique. Les Verts s’engagent en outre pour la préservation du climat et de la biodiversité, et pour une gestion durable des ressources naturelles comme le sol, l’eau ou les matières premières. Nous voulons léguer un patrimoine naturel intact à nos enfants et sommes les seuls à nous engager de manière systématique, claire et cohérente sur ces thèmes au parlement.
2. Une économie innovante et responsable:
Le tournant énergétique et l’économie verte créent des emplois durables et de la plus-value localement ancrée. Nous préférons investir les plus de 10 milliards de francs que nous dépensons annuellement pour acheter à l’étranger de l’énergie fossile – qui porte ensuite atteinte à notre climat – dans les énergies propres et la gestion durable des ressource via nos propres entreprises, dans notre pays. Notre capacité d’innovation est notre meilleure arme contre les difficultés liées au franc fort et leur répond de manière bien plus efficace et ciblée que les mesures de dérégulation proposées par la droite, dont les conséquences sociales seraient un désastre. Nous voulons que la Suisse se positionne comme un leader des cleantech sur le marché mondial, qui est en plein développement. Il s’agit par ailleurs pour l’économie suisse d’assumer ses responsabilités: les Verts veulent une économie équitable, en Suisse mais aussi dans ses impacts à l’étranger. Nous nous engageons pour des règles du jeu correctes et transparentes pour les échanges économiques, locaux et internationaux. Y compris pour les matières premières ou les produits financiers.
3. Une Suisse ouverte sur le monde:
Le maintien des bilatérales est à nos yeux une priorité, indispensable pour notre santé économique mais aussi pour notre secteur de la formation et de la recherche. Nous avons été le premier parti politique à exiger une application euro-compatible du nouvel article constitutionnel sur l’immigration et continuerons à nous battre dans ce sens. De manière générale, nous souhaitons que la Suisse se positionne comme un pays tolérant, constructif et ouvert sur le monde. Nous sommes attachés à sa tradition humaniste et voulons être un partenaire fiable pour nos voisins. Nous voulons collaborer, avec la communauté internationale, à la résolution des grands enjeux mondiaux que constituent les inégalités sociales, les mouvements migratoires, la résolution des conflits armés ou encore la lutte contre le changement climatique. Dans ce contexte, nous continuerons à nous opposer en première ligne à toutes les propositions isolationnistes et xénophobes qui sont malheureusement nombreuses en ce moment dans notre pays.
La place de la Suisse dans le concert des nations est toujours un sujet de discussion tant en Suisse qu’à l’étranger. Quel est votre regard sur les enjeux mondiaux et européens ?
Voir le point 3 ci-dessus.
Quel est votre regard sur l’intégration européenne de la Suisse ainsi que sur l’état économique et politique de l’UE en général et de la zone Euro en particulier ?
La force du franc est bien entendu un enjeu majeur en Suisse. Nous souhaitons que la situation s’améliore en Europe, dans notre intérêt également, parce que l’Europe est notre principal partenaire à tout point de vue et que sa plus ou moins bonne santé économique a une forte influence sur notre pays. Pour ce qui est de notre rapport à l’Europe en général, je reprends quelques phrases d’un article de fond que j’avais publié dans Le Temps en 2012 et qui sont toujours valables: « L’Europe est un projet. Un projet dont les objectifs premiers de paix et de solidarité sont toujours d’actualité, un projet qui offre un cadre démocratique et institutionnel indispensable à la gestion d’une multitude d’enjeux dépassant nos frontières, un projet qui est en constante évolution. Ce projet doit être soutenu et il est dans notre intérêt d’y participer. L’Europe des régions que nous appelons de nos voeux, plus décentralisée, plus respectueuse des diversités, naîtra de l’Europe actuelle et non de son rejet. » En ce moment, en Suisse, nous luttons pour la sauvegarde des bilatérales, mises à mal par l’acceptation, par le peuple, de l’initiative sur l’immigration de masse. C’est une priorité absolue qui met entre parenthèse le débat sur une éventuelle adhésion. Mais la question reviendra peut-être sur la table un jour. Que cela nous plaise ou non, nous sommes au cœur de l’Europe et nos destinées sont interdépendantes.
L’image de la Suisse est régulièrement mise à mal par les médias et les opinions publiques et gouvernements étrangers. De votre point de vue, les acteurs et institutions en charge du sujet (gouvernement, médias, entreprises, personnalités, Osec, Présence suisse, Pro Helvetia ..) remplissent-ils efficacement leur rôle ? Quel conseil leur donneriez-vous.
La cohérence et la responsabilité constituent les bases d’une bonne réputation. Nous souhaitons que la Suisse – et en particulier certains de ses acteurs politiques et économiques – adopte un positionnement plus ouvert et constructif envers les pays étrangers. Nous manquons souvent de vision en la matière, comme l’a montré le dossier du secret bancaire. Les Verts militaient depuis des années pour un système plus transparent et plus équitable. Mais il aura fallu des pressions fortes de l’étranger pour que des changements adviennent. Les pratiques de certaines de nos banques ont durablement porté atteinte à notre image et ont constitué un grave dommage pour notre pays et pour son économie. Aujourd’hui, un secteur comme celui des matières premières, dont les activités sont peu transparentes et impliquent trop souvent des pratiques très critiquables du point de vue social et environnemental, constitue un nouveau danger pour la réputation de notre pays. Seule une économie verte et équitable, qui assume ses responsabilités en Suisse, mais aussi dans le cadre de ses activités situées à l’étranger, permettra d’assurer une image crédible pour notre pays. Des initiatives de la droite nationaliste comme celle sur l’immigration de masse ou celle contre les « juges étrangers » portent également durablement atteinte à l’image de la Suisse. Il est indispensable que toutes les forces progressistes de notre pays s’allient pour les combattre et fassent entendre leurs voix en Suisse et au-delà de nos frontières.
Les Suisses de l’étranger ont le droit de vote et d’élection notamment en matière fédérale et peuvent exercer ce droit par correspondance. Mais ils ne disposent pas d’élus. La structure qui se revendique être le Parlement des Suisses de l’étranger est une structure privée, dont les membres sont en partie co-optés et en partie élus par et parmi des présidents d’associations qui rassemblent un fraction symbolique des expatriés ( moins d’une association sur deux en France et moins de 1% des Suisses de France). Cette situation vous semble-t-elle satisfaisante à l’aune des habitudes de la démocratie suisse ? Quelles améliorations proposez-vous ?
En effet, cette association ne peut prétendre représenter tous les Suisses de l’étranger. Cependant, prendre en compte les voix et opinions des organisations de la société civile s’inscrit dans la tradition helvétique. Nous saluons donc le fait que de telles associations qui puissent faire remonter les voix et préoccupations de Suisses de l’étranger existent. Mais il est clair que pour avoir une représentation totale , c’est-à-dire qui ne soit pas uniquement consultative, de la « 5ème Suisse », il faudrait revoir la composition des Chambres fédérales.
La représentativité des Suisses de l’étranger devrait en effet faire l’objet de sérieuses réflexions et de propositions concrètes: comment faciliter leur participation aux élections fédérales, comment faire remonter leur voix et préoccupations à Berne, quelle représentativité et via quels organes. Un système transparent et sécurisé de vote électronique doit faire partie de cette piste de réflexions, de même qu’une éventuelle réforme du Parlement afin d’octroyer des sièges à ce 27e canton. Mais un tel changement de système pose d’importants défis institutionnels (nécessaire de modifier la Constitution) et logistiques. Il est probablement difficile de trouver des candidat-e-s qui seraient disponibles pour 4, voire 5, sessions par année. L’organisation de la campagne pose aussi problème, il faut y veiller si l’on veut que les candidat-e-s soient représentatifs. Cependant, dans certains pays, tels que la France, les expatrié-e-s ont droit à un certain nombre de sièges. Cette solution semble bien fonctionner et elle mérite donc aussi de faire l’objet d’une réflexion en Suisse.
En résumé, les Verts soutiennent toutes les mesures qui permettent de renforcer la participation politique des citoyens, notamment celle des Suisses de l’étranger. Les Verts genevois ont par ex. été pionniers en la matière en instaurant une liste électorale transfrontalière, regroupant des Suisses des 2 côtés de la frontière.
Spécifiquement en France, lors des derniers congrès annuels, les élections du comité national de l’Union des Associations Suisses de France et des délégués au Conseil des Suisses de l’étranger ont fait l’objet de contestations et d’incriminations de fraudes électorales. La délégation française est pourtant la plus nombreuse au Conseil des Suisses de l’étranger étant donné que près d’un expatrié sur 3 réside en France. Pensez-vous que cela nuise à la crédibilité du « Parlement des Suisses de l’étranger » ? Pensez-vous que l’Organisation des Suisses de l’étranger devrait intervenir pour mettre de l’ordre dans sa « succursale » en France ?
Nous ne pouvons pas nous prononcer sur ce dossier très spécifique qui nous semble relever du droit associatif.
Considérez-vous que les Suisses de l’étranger (700 000) devraient constituer une circonscription électorale élisant des conseillers nationaux et des conseillers aux Etats ? Ou pensez-vous que le statu quo est suffisant ? Ou pensez-vous qu’il serait préférable de démocratiser le Conseil des Suisses de l’étranger en le faisant élire directement par un pourcentage plus représentatif des citoyens à l’étranger ? Le président actuel de l’OSE a déclaré que « ceci ne pourrait se faire qu’au risque d’une politisation de l’OSE ». Pensez-vous que la politisation de l’OSE serait regrettable ?
Voir la réponse plus haut.
La LSetr vient de faire l’objet d’une ordonnance d’application. Le parlement a refusé d’inscrire dans la loi l’Organisation des Suisses de l’étranger au vu de son caractère privé et insuffisamment représentatif. La Confédération refuse également de laisser l’OSE accéder aux registres électoraux. Quelle solution proposez-vous pour sortir de cette situation si vous le jugez utile ?
Voir la réponse plus haut. Par rapport à la question de l’accès aux registres électoraux : ces registres, via le contrôle des habitants, sont déjà accessibles sur demande dans certains cantons.
Vous le savez sans doute, les Suisses de l’étranger se sentent parfois abandonnés par leur patrie sur des dossiers relevant du quotidien comme la double imposition des successions, la possibilité de conserver un compte bancaire en Suisse, la contestation de leur droit de retour au pays dans le cadre d’Ecopop, etc. Quelles sont selon votre parti les limites incontournables à l’égalité pratique des droits entre Suisses de l’étranger et Suisses de l’intérieur.
La Constitution consacre l’égalité entre les citoyens. Il n’y a donc pas de ligne rouge, de limites à l’égalité per se entre Suisses vivant en Suisse et Suisses de l’étranger. Cependant, les débats autour des sujets évoqués dans la question ne se font autour de la question, pour faire simple, « Suisses de Suisse Vs. Suisses de l’étranger », mais plutôt en termes de divergences politiques.
Concrètement, les Verts étaient au front de la campagne « Non à Ecopop » et défendent une mise en œuvre non discriminatoire de l’initiative contre l’immigration de masse. De même, nous proposons différentes mesures dans notre programme électoral en faveur des Suisses de l’étranger : élimination des barrières à la mobilité pour les 450’000 Suisses vivant au sein des pays de l’UE grâce à la reconnaissance des diplômes académiques et professionnels, à des contributions à la formation des jeunes Suisses de l’étranger, à des offres de formation initiale et continue à l’étranger ainsi qu’à la participation aux programmes d’encouragement à la mobilité.
Plus globalement, il est important que les Suisses de l’étranger ne soient pas oubliés dans les débats politiques : il faut prendre en compte leurs réalités et ils doivent, de leur côté faire entendre leurs voix. Pour les Verts, il est donc essentiel de maintenir un lien fort avec les Suisses de l’étranger : pour cette raison, les Verts suisses participent chaque année au Congrès des Suisses de l’étranger. De plus, de nombreux Suisses de l’étranger votent « Verts » et sont notamment préoccupés par les questions environnementales. Lors des élections de 2011, nous étions même le 1er parti des Suisses de l’étranger votant sur Genève ! http://aso.ch/fr/politique/elections-2011/comportement-de-choix
Nous allons également privilégier les canaux de communication en ligne et les médias sociaux : ceux-ci nous permettent de nous adresser aux Suisses du monde entier qui s’intéressent à nos activités. Les Verts de Genève établiront une liste transfrontalière franco-suisse avec des candidat-e-s résidant sur les 2 côtés de la frontière. Un tout-ménage sera également adressé aux nombreux Suisses et Suissesses vivant en France autour de Genève. Bref, nous voulons que les Suisses de l’étranger participent à cette élection fédérale 2015, qu’ils expriment leur opinion et élisent des représentant-e-s qui puissent défendre leurs valeurs.
Suisse Magazine paraît depuis 61 ans à Paris de manière totalement indépendante et sans aucun soutien financier de la Confédération. Il y a un quart de siècle, l’Organisation des Suisses de l’étranger en a copié la formule pour créer la Revue suisse qui est adressée à tous les Suisses de l’étranger et financée essentiellement par des fonds publics. Cette situation de distorsion de concurrence vous paraît-elle normale ? Notamment au visa des articles 2 et 46 de l’ordonnance d’application de la LSetr ? La pluralité de canaux d’information et l’existence de médias indépendants vous semblent-t-elles des valeurs à préserver ?
Les Verts n’ont pas d’objection de fond pour qu’une autre publication, poursuivant les mêmes objectifs d’intérêt public, puissent également bénéficier d’un soutien financier public.
Avez-vous un message particulier à adresser aux Suisses de France dont vous sollicitez les suffrages et qui ne soit pas le « vous êtes les ambassadeurs de la Suisse à l’étranger » qui est à peu près la seule chose que la Confédération leur adresse chaque année ?
La Suisse est un pays qui vit des échanges avec ses pays voisins. Les Suisses de l’étranger font partie de cette Suisse ouverte sur le monde ! Dans les débats à venir autour du maintien des Bilatérales et de la mise en œuvre de l’initiative contre l’immigration de masse, nous aurons plus que jamais besoin des voix, expériences, points de vue des Suisses de l’étranger. Les Suisses de l’étranger ont le droit de vote et celui d’être élu aux élections fédérales 2015 : alors saisissez ce droit et engagez-vous ! Et n’hésitez pas à prendre contact, par exemple, avec les sections des Verts des cantons frontaliers.
– o –