Au procès en appel d’UBS, les prévenus invoquent le secret bancaire suisse
Au procès en appel d’UBS, les prévenus invoquent le secret bancaire suisse
L’entreprise de gestion de fortune est accusée d’avoir démarché des clients français pour qu’ils mettent leur argent à l’abri du fisc, en Suisse.
«Il n’y avait aucune obligation de vérifier la situation fiscale du client»: au procès en appel d’UBS pour blanchiment de fraude fiscale, un ancien cadre a invoqué mercredi le secret bancaire suisse assurant que la banque était, entre 2004 et 2012, bien dans les clous. Le poids lourd mondial de la gestion de fortune est soupçonnée d’avoir envoyé des chargés d’affaires suisses dans l’Hexagone pour démarcher des Français afin qu’ils mettent leur argent à l’abri du fisc en Suisse.
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Jugée depuis le 8 mars, la banque s’était vue infliger lors du premier procès en 2019 une amende record de 3,7 milliards d’euros. Sur les six anciens cadres aussi rejugés, seul Raoul Weil, ancien numéro 3 de la maison mère, UBS AG, avait été relaxé. Mais l’appel du parquet ramène à la barre ce Suisse de 61 ans, auprès duquel la cour peine à se faire comprendre malgré la présence d’un interprète anglophone.
«Il faut remonter en 2008. A cette époque, il n’y avait aucune obligation de vérifier la situation fiscale des clients», fait valoir M. Weil. Et «selon la loi suisse, nous n’étions pas autorisés à assister activement un client dans la fraude fiscale». Pourtant, quelque 4000 clients d’UBS avaient, fin 2015, régularisé leur situation auprès du fisc au sein de la cellule de «dégrisement» ouverte en France, souligne un magistrat de la cour, Hervé Robert. «En 25 ans, il n’y a aucun client qui est venu me dire qu’il avait un problème avec les impôts», répond le prévenu. «Oui, comme dans toutes les banques, il y a des clients qui trichaient, c’était connu et c’est la raison pour laquelle l’Union européenne a décidé de renforcer la discipline fiscale».
«Complex money»
A partir de 2005, un accord signé avec l’UE a imposé une taxation à la source sur les comptes suisses des ressortissants européens. Et en 2018, la Suisse a mis en place l’échange automatique de données, signant ainsi, sur le papier, la fin de son secret bancaire.
Au fil des interrogatoires, la cour cherche à comprendre la distinction entre «simple money» et «complex money», ce dernier terme correspondant selon des témoignages à de l’argent non-déclaré. «Ce n’était pas une terminologie officielle de la banque», a répondu mardi Dieter Kiefer, ancien responsable de la division Europe de l’Ouest. Selon lui, le premier correspond à «des produits simples comme des actions, des obligations», le second à un portefeuille «avec une considération fiscale dans les produits offerts».
Pour autant, il ne s’agit pas d’une aide à la dissimulation, assurent les prévenus. Tout comme les services offerts à l’époque par la banque – poste restante (pour ne pas recevoir ses relevés à domicile), compte numéroté… Ils étaient proposés «par toutes les banques de la place financière suisse» pour offrir «une confidentialité supérieure» aux clients, a argué M. Kiefer.
«Bureau des légendes»
Plusieurs documents internes alimentent les poursuites pour démarchage illégal en France, l’un d’eux baptisé «security risk governance»: il y était recommandé aux commerciaux de n’avoir aucun nom de client sur soi ou d’être imprévisible dans ses déplacements.
«C’est un peu le Bureau des légendes [la série d’espionnage française NDLR] quand on lit ce document», a remarqué la cour auprès de Philippe Wick, ex-patron du département France International. Les commerciaux «se rendaient parfois dans des pays beaucoup moins amicaux que la France», a tenté M. Wick. L’avocat d’UBS, Denis Chemla, a alors volé à son secours, citant une attestation selon laquelle ce document n’a «jamais été communiqué» aux équipes.
Dans une autre note, dénommée «country paper», «il y a des formules assez ambigües», a relevé le président de la cour, François Reygrobellet. Notamment qu’il ne fallait pas passer la frontière avec les contrats signés mais qu’ils devaient être envoyés directement en Suisse. «Je suis d’accord que ça peut prêter à confusion mais ça n’est pas le cas», répond M. Wick, assurant que des formations régulières sur le démarchage illégal étaient organisées et que les écarts étaient sanctionnés. Et pourquoi les ordinateurs portables utilisés par les commerciaux étaient-ils «cryptés» ? «Comme le sont la majorité des [ordinateurs] pour des gens qui se déplacent avec des données sensibles», répond M. Wick. «Pour des raisons de secret bancaire».
Source : Figaro on line avec AFP