Réchauffement toujours
Chaleur en octobre: un été prolongé qui donne des sueurs froides
CLIMAT
Les températures sont particulièrement élevées depuis le milieu du mois en Suisse et une partie du pays demeure en état de stress hydrique. Sous l’effet du changement climatique, l’automne est en train de se transformer
Où est passé l’automne? Cette semaine, des températures de plus de 30°C ont été enregistrées dans le Sud-Ouest de la France. En Suisse, on n’atteint pas de tels extrêmes, mais la douceur est bien là. Elle est même particulièrement marquée depuis le milieu du mois, avec des températures dépassant fréquemment les 20°C en plaine.
«Les températures de ce mois d’octobre sont exceptionnelles; elles se situent en moyenne à 4°C au dessus de la norme. Dans certaines régions cette différence est encore plus marquée, comme à Genève, où la température moyenne est de 16°C depuis le début du mois, alors que normalement elle se situe autour de 11°C en octobre», indique Lionel Fontannaz, prévisionniste chez Meteosuisse. Des records de températures pour une deuxième moitié d’octobre ont été enregistrés à Delémont, Nyon et à Santa Maria dans le Val Müster, indique le service météorologique de la Condéfération dans un billet de blog.
Fort déficit de précipitations
Les projections météorologiques n’entrevoient pas de rafraîchissement net d’ici la fin du mois en Suisse. Si bien que ce mois d’octobre risque fort de rester dans les annales. «Il y a une très forte probabilité pour qu’il devienne le plus chaud jamais enregistré en Suisse, devant 2001, 1995, 2006, 2014 et 2019, indique Lionel Fontannaz. Qui relève que presque tous ces mois d’octobre doux ont eu lieu au 21ème siècle, alors que les plus froids (1905, 1974, 1887, 1881 et 1919) remontent au 20ème, voire au 19ème siècle. «On a vraiment là l’effet du réchauffement climatique sous les yeux», commente le météorologue.
Si le fait de pouvoir renoncer à la veste pendant quelques jours en plein automne peut séduire, cela devrait donc aussi susciter de l’inquiétude. D’autant que la douceur actuelle s’accompagne d’un fort déficit de précipitations. «Certes, nous avons eu un mois de septembre bien arrosé, mais cela n’a pas suffi à compenser le déficit hydrique acquis tout au long de l’année, en particulier dans le Sud-Ouest de la Suisse. À Genève, on est seulement à 50% de l’équilibre hydrique, à 60-65% à Sion, 80% à Neuchâtel, détaille Lionel Fontannaz.
Or cette sécheresse persistante menace de nombreux écosystèmes, des petits cours d’eau aux forêts, et certaines activités humaines, notamment l’agriculture. Et si des précipitations potentiellement intenses sont attendues vendredi, elles ne seront que transitoires. «Il va falloir un hiver très pluvieux pour rattraper cette situation», estime Lionel Fontanaz, qui rappelle que les scenarios climatiques anticipent précisément des étés de plus en plus secs et des hivers de plus en plus arrosés.
Phénomènes exceptionnels plus fréquents
La vague de chaleur actuelle tire son origine dans les conditions anticycloniques qui se sont installées durablement sur l’Europe, entraînant l’aspiration d’un courant d’air chaud subtropical. Mais les experts y voient clairement la marque du réchauffement climatique. «Il existe une variabilité naturelle dans la météo, mais la probabilité qu’on ait des périodes très chaudes augmente avec le changement climatique, c’est pourquoi je préfère parler de surchauffe que de réchauffement», indique Lionel Fontannaz.
Sur Twitter, le climatologue français Christophe Cassou note que «les extrêmes ont toujours existés mais l’influence humaine (…) favorise l’émergence de phénomènes exceptionnels, même avec le réchauffement planétaire actuel (+1.1°C).» Il relève également qu’en 2022, les épisodes de forte chaleur ont non seulement gagné en fréquence et en intensité, mais qu’ils se sont aussi produits durant une plus longue saison (de juin à octobre). Dans ces conditions, 2022 figurera très probablement parmi les années les plus chaudes jamais enregistrées. En Suisse, elle pourrait même atteindre la première marche de ce brûlant podium.
https://www.letemps.ch/sciences/chaleur-octobre-un-prolonge-donne-sueurs-froides