La Suisse en pénurie d’informaticiens

Pénurie. 

Entreprise suisse cherche désespérément informaticien

Un rapport de l’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne met en évidence le rôle essentiel de l’immigration dans les secteurs clés de l’économie locale. C’est particulièrement vrai dans l’informatique, où la main-d’œuvre qualifiée risque de manquer cruellement dans les prochaines années.

Lors d’une récente table ronde qui s’est tenue à Genève sur les enjeux actuels du marché du travail en Suisse, la directrice générale du cabinet de recrutement Morgan Philips livrait cette anecdote :

“Une directrice des ressources humaines d’une belle maison horlogère m’a demandé l’autre jour : ‘Maintenant, j’ai l’impression que c’est moi qui passe les entretiens. C’est normal ?’”

Rester attractifs constitue « la grande peur et le grand défi » des employeurs suisses, écrit Heidi. news à l’heure où le taux de chômage est au plus bas (2,0 % en juin) et où la main-d’œuvre vient à manquer. « Le mot ‘pénurie’ est sur toutes les lèvres. Le manque de personnel a obligé [la compagnie aérienne nationale] Swiss à supprimer des vols cet été. L’Adecco Group Swiss Job Market Index publié cette semaine montre que la plupart des catégories professionnelles connaissent une forte augmentation des offres d’emploi. ‘En raison du vieillissement de la population, il faut s’attendre à un déficit de près de 1,3 million de personnes actives d’ici 2050’, a déclaré le directeur de l’Union patronale suisse Roland A. Müller à l’[agence de presse] ATS. »

Des dizaines de milliers de postes à pourvoir

En un an, la proportion de postes vacants en Suisse a augmenté de manière très significative : + 60,4 % tous secteurs confondus entre le premier trimestre 2022 et la même période en 2021, rapporte Swissinfo.ch“Pour la première fois, le seuil des 100 000 postes vacants a été dépassé.” La Suisse ne manque pas seulement de serveurs et de cuisiniers pour l’hôtellerie-restauration (10 600 postes vacants), mais aussi de professionnels de l’immobilier, de juristes, de comptables et d’ingénieurs (16 200 postes vacants dans les “métiers techniques et scientifiques”), sans compter le personnel de santé (15 900 postes à pourvoir). Au vieillissement de la population, il faut ajouter une autre cause directe à la pénurie actuelle : la vigueur de la reprise postpandémique, souligne Swissinfo.ch.

Dans ce contexte, l’“immigration est une chance pour la Suisse”, souligne le quotidien Le Temps, qui relaie le dernier rapport de l’Observatoire sur la libre circulation des personnes (LCP) alors que l’accord conclu en la matière entre la confédération helvétique et l’Union européenne fête ses vingt ans. “C’est la plus grande réforme du marché du travail de ces cinquante dernières années, rappelle Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch, la secrétaire d’État à l’Économie, et la Suisse a largement profité de la LCP.”

Il manquera 40 000 informaticiens en Suisse en 2026

L’immigration de main-d’œuvre étrangère, qui avait fortement diminué pendant la pandémie, a à nouveau augmenté en 2021. “Le recrutement à l’étranger a permis de lutter contre la pénurie de main-d’œuvre et a soutenu le développement économique”, souligne le secrétariat d’État à l’Économie (Seco).

Un secteur en particulier ne peut que se féliciter de la libre circulation des personnes : celui de l’informatique, “toujours en quête désespérée de personnel qualifié”, explique Le Temps. Un secteur où le potentiel de main-d’œuvre nationale est déjà entièrement exploité : le taux d’activité se situe actuellement à 92,2 % en 2021 et le taux de chômage à 1,6 %, soit “un seuil quasiment incompressible”. Or, selon les estimations, il manquera environ 40 000 informaticiens en Suisse en 2026.

En l’occurrence, l’immigration européenne ne suffira pas. Les entreprises suisses ont déjà engagé du personnel venu d’États non européens, notamment d’Inde, du Royaume-Uni et des États-Unis. “Pour réussir à s’adapter aux défis de l’avenir, il sera essentiel de savoir dans quelle mesure la Suisse parviendra à exploiter le potentiel national et à garantir le maintien de la main-d’œuvre qualifiée par le biais du recrutement à l’étranger”, estime le Seco.

https://www.courrierinternational.com/article/penurie-entreprise-suisse-cherche-desesperement-informaticien