Quand il y a deux poids et deux mesures il faut vérifier la « balance ».

Cela fait bien  longtemps que je ne m’occupe plus du dossier du « Madoff des Calanques », en ayant été débarqué par l’ACP qui ne m’a toujours pas réglé mes honoraires puis  par l’Association de victimes qui souhaitait mener la négociation  uniquement via avocats, mais cela ne m’empêche pas de rester attentif aux informations rendues publiques  qui me parviennent.


La dernière évolution  a été diffusée par  un mailing de l’association de victimes puis par un courrier d’un de ses avocats, et annonçait que la Société Générale acceptait d’indemniser les clients de DO-CONSEIL à hauteur de 80% à 100% de leurs apports nets. La date de règlement n’est pas précisée et il y aura bien sur des modalités de contrôle, mais l’avancement – à porter au crédit notamment d’un pool d’avocats et d’une association de victimes-  n’en est pas moins extrêmement significatif.

 

Le parallèle, ou plutôt l’absence de parallèle avec le dossier Apollonia que nous évoquions ici http://www.suissemagazine.com/sites/smblog/dotclear/index.php?post/2013/11/21/L-affaire-Apollonia-conq-ans-d%C3%A9j%C3%A0 est assez étonnant. Même région, même type de délinquance même si les modes d’opéré sont distincts, même magistrat instructeur, même parquet.

 

Dans le dossier Apollonia, les banques ont  été mises en examen, et il ressort de la  présentation du dossier faite en conférence de presse qu’elles ont multiplié les violations de contrôle interne, les violations des textes d’ordre publics protégeant les emprunteurs et se sont de surcroît largement enrichies dans le processus. Des notaires ont même séjourné à l’ombre avant de retrouver .. la liberté et les clefs de leurs études.

 

 Dans le dossier DO-Conseil, la Société Générale  n’était semble-t-il pas mise en examen, et avait été essentiellement le banquier chez qui l’opérateur présumé du Ponzi déposait les fonds.  Certes, il semble que ce dernier avait également usé et abusé du nom d’une filiale de gestion d’actifs de la SG avec qui il n’avait aucun accord, ce qui avait conduit – selon ses propres déclarations – la SG a porter également plainte contre le principal mis en examen. Mais si on pouvait reprocher à la Société Générale sans doute une certaine accumulation de négligences  ayant facilité l’escroquerie, elle ne semblait pas impliquée activement comme les banques de l’affaire Apollonia.

 

Et que se passe-t-il ? Les banques de l’affaire Apollonia – bien que mises en examen et à qui on reproche des faits très graves n’envisagent pas de rembourser leurs victimes, et continuent au contraire à saisir leurs biens, alors que la Société Générale  largement moins impliquée dans le dossier DO Conseil, ouvre le coffre et pose généreusement 30 à 40 millions d’euros sur la table.

 

Les banquiers ont des tas de qualité mais pas celle d’être généreux quand on parle d’argent, et ce n’est d’ailleurs pas leur rôle.  Cette générosité subite de la SG nous a donc étonnés et nous avons voulu comprendre.

 

Bien entendu, aucun commentaire disponible du côté des avocats, et côté SG, le classique « nous ne commentons pas les affaires judiciaires en cours». Jérôme Kerviel appréciera. Alors il nous restait ce que nous appelons les « sources généralement bien informées ». Et là, une thèse intéressante nous a été indiquée  Si l’on en croit cette « source proche du dossier »,  le parquet de Marseille aurait effectué sur la banque d’affectueuses pressions à négocier, en lui proposant comme alternative .. une mise en examen pour (complicité de) blanchiment de fraude fiscale.

 

Si c’est le cas, cela pose pas mal de questions. Non pas bien sur celle de l’intérêt poursuivi par le parquet qui se faisant obtient le dédommagement des victimes et surtout provoque la subrogation de la Société Générale dans les droits des 800 victimes, ce qui lui permettra non pas de requérir devant une salle d’audience pénale remplie de centaines de victimes peu au fait de la procédure pénale, mais devant une salle où ne seront partie civile que des professionnels.

 

Non, la question qui se pose est beaucoup plus basique. S’il y a une incrimination potentielle de (complicité de) blanchiment de fraude fiscale on peut en déduire sans peine qu’il y aussi une incrimination potentielle de fraude fiscale.   C’est peut-être pourquoi la lecture attentive des différences entre les annonces de l’association et des publications des avocats montre que ces derniers mettent prudemment leurs clients en garde sur la nécessité absolue de  justifier non seulement du versement effectif des fonds mais aussi de leur origine au sens fiscal. N’oublions pas que nous sommes dans le sud, et que selon ce qu’on raconté les gazettes à l’époque, il y avait certes des chèques, mais aussi beaucoup de cash, et les déposants ne « se souvenaient pas  tous avec précision » d’où venait l’argent. En ces temps de disette budgétaire, gageons que le fisc sera bien heureux de récupérer une partie significative des indemnisations sous forme de redressementsv fiscaux lorsque l’origine des fonds sera douteuse, pour autant que la banque accepte de payer.

 

Et ce n’est pas le seul problème que pose cette indemnisation, puisque  l’association a choisi de rendre «obligatoire» l’intermédiation d’un avocat choisi par elle. Passons sur le démarchage que cela laisse craindre, mais intéressons nous au sort des « petits », ceux qui n’avaient  pas voulu ou pas pu engager encore des frais importants pour s’adjoindre les services d’un avocat  «négociateur».  S’ils n’ont pas du tout d’avocat, il leur est indiqué qu’ils peuvent s’adresser à celui qui a mené la négociation qui leur fera une convention d’honoraires ad-hoc, parfait. Mais s’ils ont déjà un avocat autre et non compris dans le pool, ils font quoi ? Ils perdent tout « droit » ? Ils règlent 10% à l’avocat avec qui ils ont signé et 10% à un second ?  Il mandatent le second qui aura à sa charge de vérifier que le confrère à qui il succède a été désintéressé ? Il semble que le fait qu’un avocat, contrairement à un crédit, on en prend un à la fois sur un dossier, ait un peu été sous estimé.

 

Gageons qu’il sera encore intéressant pendant de longs mois de suivre le parallèle et les différences entre ces deux affaires pour essayer de comprendre pourquoi les uns avancent vers la reconnaissance de leurs droits pendant que les autres restent peu entendus. Certes 40 millions de n’est pas un milliard, et 800 clients face à une seule banque au civil ce n’est pas la même chose que 1000 clients face à une quantité de banques et de notaires au pénal. Mais quand même.

 

Et pendant ce temps là, l’affaire Labrador, http://www.lest-eclair.fr/article/a-la-une/escroquerie-a-la-defiscalisation-des-aubois-victimes-desabusees, une affaire dans l’affaire DO Conseil couve toujours et l’affaire Alsass http://www.youtube.com/watch?v=wem3Te_EB6c&noredirect=1, un autre hold-up de taille continue de prospérer, mais cela nous vous le conterons dans une  prochaine édition.