Que fait le Suisse qui s’ennuie ? Il picole

CONFINÉS, LES SUISSES ONT VIDÉ LEUR CAVE

Les consommateurs ont bu plus de vin que d’habitude durant la pandémie mais en ont moins acheté: ils ont donc puisé dans leurs réserves.

https://www.lematin.ch/suisse/confines-suisses-vide-cave/story/18441365

Le coronavirus a eu un fort impact négatif sur de nombreux secteurs, dont celui du vin. L’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin anticipe une chute des ventes de 35% en volume et 50% en valeur sur l’année 2020 en Europe. En Suisse, les chiffres ne sont guère meilleurs. Le chiffre d’affaires de la branche a d’ores et déjà reculé de 35% durant le semi-confinement selon l’Association Suisse du Commerce des Vins.

Avec l’annulation de nombreux événements et festivals estivaux et des restaurateurs qui n’ont pas besoin de refaire leurs stocks vu qu’ils n’ont rien écoulé ces derniers mois, la vente de vin semble ne pas avoir de beaux jours devant elle. Pour tenter d’avoir une meilleure vision des perspectives du secteur du vin et de l’attente des consommateurs, l’Ecole hôtelière de Lausanne et la Haute école de viticulture de Changins, en collaboration avec la European Association of Wine Economists (EuAWE), ont mené une étude sur les comportements des consommateurs de vins en Suisse durant la période de semi-confinement et leurs anticipations.

Du vin plutôt que de la bière

927 personnes ont été interrogées dans toute la Suisse, essentiellement des amateurs de vins. Il ressort principalement de ce sondage que les Suisses, surtout les latins ont bu plus de vin durant le confinement, tandis que leur consommation de bière et de spiritueux a eu, chez ces derniers, tendance à diminuer. Il ressort également que les Alémanique ont moins changé leurs habitudes, laissant penser aux auteurs de l’étude que, moins impactés par le coronavirus, ils ont moins eu besoin de modifier leur comportement. D’ailleurs, les germanophones ne sont que 20% à dire se sentir vulnérables suite à l’épidémie contre respectivement 30% des francophones et 29% des italophones.

Si les Suisses ont donc bu plus de vin, cela n’a pas eu d’effet sur le commerce de celui-ci puisque près de trois quart des répondants disent ne pas avoir acheté de vin durant cette période. 30% en ont acheté en ligne, dont 6% pour la première fois et 8% en plus grande quantité que d’habitude. Les Suisses ont donc globalement moins dépensé en bouteilles qu’avant. Conclusion logique: cette hausse de consommation s’est faite au détriment du stock des consommateurs: 81% des consommateurs disent d’ailleurs posséder une cave alors que seul 16% des répondants ouvrent généralement une bouteille moins d’une semaine après l’avoir achetée.

Grosses différences régionales

L’étude révèle également des différences sur les habitudes d’achat suivant les régions. Si 57% des consommateurs suisses achètent des vins entre 11 et 20 francs la bouteille et 24% disent être prêts à mettre plus, 58% des Alémaniques rechignent à payer plus de 10 francs leur flacon.

Si les trois principaux canaux d’achat sont les supermarché (85% des répondants y achètent du vin au moins une fois par année), les magasins spécialisés (85%), et la vente directe au domaine (80%), pour cette dernière option existent également des différences régionales importantes. Les latins sont plus de 80% à acheter directement auprès des producteurs, alors que moins de 60% des alémaniques le font.

Apéros à distance

Comme on pouvait s’en douter, ce sondage montre que de nouveaux modes de consommation sont apparus durant le semi-confinement. Avant la crise, la majorité des répondants consommaient fréquemment du vin en famille (87%), entre amis (92%), et avec des collègues (51%). En Suisse italienne et parmi les expatriés, il était également courant de consommer seul (27% parmi les italophones et 34% pour les anglophones). En revanche, personne ou presque ne consommait « en ligne ».

Durant la crise, la consommation entre amis et collègues s’est effondrée, mais n’a pas complètement disparu. Tandis que près d’un tiers de la population s’est adonnée régulièrement aux apéros à distance. De manière générale, 67% des répondants disent avoir «organisé ou participé à des rassemblements numériques pour prendre un verre (de vin ou autre) en famille ou entre amis» depuis le début du confinement. En revanche, seul 18% pensent continuer à le faire à l’avenir.

Autre changement de comportement, peut-être plus inquiétant: l’augmentation de la consommation de vin en solitaire qui fait craindre aux auteurs de l’étude une hausse des cas de dépendance. «Heureusement, disent-ils cette hausse reste modérée (passage de 20% à 26% en moyenne sur l’échantillon) et est probablement temporaire.»

Soutenir les producteurs locaux

Reste maintenant la question du «retour à la normale». La majorité des consommateurs espère reprendre ses habitudes antérieures. 91% des sondés prévoient de consommer autant de vins qu’auparavant et un peu plus de 5% anticipent même une augmentation. Cette hausse profiterait selon leurs intentions aux vins nationaux et, dans une moindre mesure, aux vins bio. 54% des sondés «estiment qu’ils devraient acheter plus de vin local pour soutenir les producteurs locaux», surtout les francophones (65%) et les italophones (70%) contre seulement 26% des germanophones. Les producteurs de vin suisses semblent avoir su exploiter cette tendance durant la crise car plus de la moitié des sondés dit avoir reçu des offres par le biais des réseaux sociaux.

Cette augmentation de la consommation et ce désir d’acheter local incite les auteurs de l’étude à faire preuve d’un certain optimisme pour l’avenir, puisque 73% des sondés habitent à moins de 10 kilomètres d’une région viticole et 82% connaissent personnellement des producteurs de vins. Seuls 14% des francophones et 5% des italophones disent ne pas connaître de vignerons.

Michel Pralong

Créé: 10.06.2020,