La Suisse qui innove

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La Suisse, terrain de jeu privilégié des métiers de demain?

Sorte de Silicon Valley au cœur de l’Europe, la Suisse est une terre où l’entrepreneur se retrouve poussé à l’innovation, avance Philippe Vallat, directeur de Pilot Design

Dans la quatrième édition du World Talent Ranking de l’IMD, la Suisse arrive au premier rang mondial. Ce classement est établi sur les catégories investissement et développement, attraction et qualité du marché du travail. Les chercheurs prennent en compte des facteurs tels que la formation, les coûts et la qualité de la vie, la hauteur des rémunérations et la fiscalité. Quelles sont donc les raisons de cette attirance pour notre pays? Qu’est-ce qui fait que des étudiants veulent y intégrer nos grandes écoles?

Que des entreprises s’implantent sur notre territoire? Que des investisseurs placent leur argent dans nos fonds et dans nos jeunes pousses? Pourquoi choisir la Suisse, alors que le monde d’aujourd’hui est ouvert et qu’il existe autant d’autres opportunités à saisir dans un nombre considérable de pays?

Une formation qui a su s’adapter

On notera que la Confédération s’illustre particulièrement dans les possibilités de formation et d’apprentissage. Cette caractéristique est tout à fait remarquable. On sait que la Suisse possède de grandes écoles d’ingénieurs, telles que l’EPFL ou encore l’EPFZ, une école de commerce de renommée internationale avec HEC St. Gallen… et que notre système éducatif est reconnu mondialement, notamment pour les boarding schools. Cela est d’autant plus appréciable que nous avons changé d’époque et que nous ne sommes plus dans un monde où le savoir est détenu par des clercs. Le transfert de l’information est désormais horizontal. Aujourd’hui quiconque peut suivre des MOOC (cours en ligne) dispensés par les universités Harvard ou Yale. Or, nous vivons actuellement une véritable transition dans laquelle nous connaissons une évolution très rapide des métiers, qui modifie la manière dont ils doivent être appris.

Ajoutons à cela qu’à notre époque le temps de l’apprentissage des métiers a changé et qu’il faut s’adapter aux rythmes plus rapides des nouvelles technologies. Mais il y aura toujours des jeunes qui viendront se former aux métiers de l’ébénisterie, de la ferronnerie, et à tous les métiers traditionnels de nos grandes marques. Force est de reconnaître qu’il en va différemment des «nouveaux métiers». On ne se forme pas à ceux-ci, comme on se formait jadis, en allant en apprentissage auprès d’un maître ou en compagnonnage.

Le marché exige aujourd’hui des professionnels polyvalents et autonomes. Les autodidactes ont de plus en plus le vent en poupe. Il faut savoir utiliser la liberté que nous offrent les outils contemporains – le plus souvent des devices (appareils) numériques – pour créer son propre métier et innover. On est passé de la transmission d’un savoir-faire à celle d’un «savoir-être». Et ce «savoir-être» nous ramène toujours à la même valeur: l’innovation. Assez paradoxalement, apprendre aujourd’hui, c’est savoir être innovant.

Créer ses propres outils pour innover

Le design industriel offre un bel exemple. Cette «attitude innovante» fait partie de son ADN. On fait une analyse de l’existant pour le remettre ensuite en question. On joue avec de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques, de nouveaux outils et la création d’expériences. L’objectif est de repousser les limites techniques. Nous pensons au projet de l’EPFZ pour lequel les chercheurs en robotique ont créé leurs propres outils afin d’ouvrir de nouveaux possibles. C’est ainsi qu’ils ont pensé In Situ Fabricator, un robot bâtisseur qu’ils ont programmé afin qu’il puisse réaliser des maisons aux formes inédites dans lesquelles ils vont eux-mêmes habiter.

Si la Suisse attire tant, c’est donc parce qu’elle réunit tous les éléments favorables à l’innovation. Sorte de Silicon Valley au cœur de l’Europe, elle est une terre où l’entrepreneur se retrouve poussé à l’innovation. S’il est un pays où le slogan «Innove ou disparaît» prend tout son sens, c’est bien ici. Il y avait quelques prédispositions à la situation dans laquelle le nouveau monde nous a installés. Faut-il rappeler que l’EPFL a été construite avec cette prise de conscience que notre pays avait besoin de cultiver une forme d’élitisme dans le secteur de l’ingénierie pour continuer à faire partie des leaders mondiaux?

Tout cela a contribué à créer un environnement qui se retrouve propice aux attentes des nouveaux entrepreneurs. Et c’est sans doute ce qu’ils recherchent quand ils veulent venir partager notre quotidien. De même pour les étudiants et les apprentis qui trouvent des écoles qui ont su faire évoluer leurs méthodes. Sachant qu’un créatif est un adulte qui a préservé son âme d’enfant, les passionnés d’innovation trouvent ici un fantastique terrain de jeu où ils peuvent s’épanouir et développer leur savoir-être innovant.