quand la Suisse applique le droit, la France s’agace

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La Suisse sauve la mise à 45 000 clients français d’UBS

Le Tribunal administratif fédéral refuse de transmettre au fisc français la moindre information sur plusieurs dizaines de milliers de comptes bancaires.

Publié le | Le Point.fr

La prochaine rencontre entre Emmanuel Macron et Alain Berset, l’actuel président de la Confédération, risque d’être musclée. En effet, la France misait beaucoup sur le retour de sa demande d’entraide envoyée le 11 mai 2016 à l’administration fédérale des contributions. Le fisc tricolore réclamait les noms, les dates de naissance et le solde des comptes d’un peu plus de 45 000 contribuables français qui auraient placé leurs économies dans les coffres d’UBS, la plus grande banque helvétique. Bercy estime que 10 milliards d’euros ont ainsi pu échapper au percepteur. De quoi faire entrer dans les caisses de l’État plusieurs centaines de millions d’euros.

Normalement, il ne devait pas y avoir de problèmes. La Suisse respecte à présent les règles fixées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et collabore avec les fiscs étrangers. Mieux encore, Berne a aboli le secret bancaire le 1er janvier 2018. Mais patatras, le 31 juillet, le Tribunal administratif fédéral a jugé « non conforme aux conditions de recevabilité » la demande d’assistance administrative des autorités fiscales françaises. Il constate que la demande de Bercy « ne précise pas les raisons qui donnent à penser que les contribuables concernés n’ont pas respecté leurs obligations fiscales, le seul fait de détenir un compte bancaire en Suisse ne suffisant pas ».

UBS peut respirer

Sur le fond, le tribunal a raison. Il ne faut pas confondre coopération fiscale et pêche au filet. La France ne peut pas demander à la Suisse de lui livrer gracieusement les noms de ses compatriotes qui posséderaient des comptes à Genève, Zurich ou Lugano. Elle doit apporter des éléments, évoquer des soupçons. En clair, expliquer les raisons de sa démarche. Un skieur français, amoureux du canton du Valais, peut fort bien ouvrir un compte en Suisse sans pour autant être un fraudeur. S’il n’y a plus de secret bancaire, le secret professionnel, en revanche, n’a pas disparu. Il est pour le moins curieux que le ministère de l’Économie et des Finances ait ainsi « oublié » de fournir des explications au fisc suisse.

De son côté, le Tribunal administratif fédéral, qui siège à Saint-Gall, enlève une grosse épine du pied à UBS. La banque helvétique est poursuivie en France pour démarchage illégal et blanchiment de fraude fiscale. Ces accusations deviennent difficiles à démontrer si les noms des contribuables démarchés ne sont pas transmis. Dans son communiqué, le Tribunal administratif fédéral précise que son arrêt « est susceptible de recours au Tribunal fédéral ». « Susceptible », car c’est au Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire du pays, qui siège à Lausanne, d’admettre ou non le recours. La procédure va encore durer des mois, sinon des années. Or, chaque jour qui passe, des clients d’UBS échappent au fisc et à la justice grâce à la prescription.

À moins qu’Emmanuel Macron ne réussisse à obtenir un règlement politique de ce dossier. Toutefois, il n’aura pas face à lui l’habituel politicien suisse, effacé, bon enfant et neutre. Alain Berset, 46 ans, président de la Confédération pour l’année 2018, est un francophone socialiste et ministre de l’Intérieur. Il a surtout la réputation d’être particulièrement pugnace.