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En Suisse, la radiotélévision publique se met à l’écriture inclusive et crée la polémique

Exit le « Bonsoir à tous » : les salariés de la RTS, média public suisse, doivent arrêter désormais d’utiliser des termes exclusivement masculins.00’0002’30

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avatarJérémie LanchefranceinfoRadio France

Mis à jour le 05/03/2021 | 12:02

« Bonsoir madame, bonsoir mademoiselle, bonsoir monsieur » : la formule de politesse quasi-culte de Valéry Giscard d’Estaing a du plomb dans l’aile. Trop sexiste à en croire la RTS, la radiotélévision publique suisse. Ses employés sont désormais priés d’utiliser un langage inclusif. Une petite révolution à l’antenne, mais qui interroge dans le monde des médias.

Le langage inclusif, ou langage épicène, c’est l’emploi de termes qui peuvent aussi bien désigner un homme qu’une femme. Ou dont la forme ne varie pas selon le sexe, comme « enfant », ou « bébé ». À l’antenne, ça va bien sûr plus loin que ça. Ainsi, l’été dernier, la journaliste Jennifer Covo, présentatrice du téléjournal suisse, disait « Bonsoir à tous, bienvenue dans cette édition. » Désormais, il est dit « Mesdames messieurs bonsoir, bienvenue dans cette édition. »https://platform.twitter.com/embed/Tweet.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-0&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=1359450222338932740&lang=fr&origin=https%3A%2F%2Fwww.francetvinfo.fr%2Freplay-radio%2Fen-direct-du-monde%2Fen-suisse-la-radiotelevision-publique-se-met-a-l-ecriture-inclusive-et-cree-la-polemique_4302897.html&siteScreenName=franceinfo&theme=light&widgetsVersion=e1ffbdb%3A1614796141937&width=550px

Exit donc le « bonsoir à tous », trop masculin. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour ceux qui militent pour un langage non genré, ça veut dire beaucoup. Cela veut dire qu’on ne fait pas de distinction entre les sexes pour les personnes qui ne se reconnaissent pas dans l’usage immodéré du masculin. Ce serait une mesure d’égalité. La RTS a même publié une vidéo, avec des extraits de ses émissions, pour expliquer les exemples à oublier et ceux à suivre. « Bonsoir » et « bienvenue » par exemple, sont valorisés. En revanche, ne dites plus « les Suisses ont voté ». On imaginerait que seuls les hommes ont rempli leur devoir civique. À l’inverse, parler de « caissières » et « d’infirmières » sans ajouter les « caissiers » et les « infirmiers » ferait aussi croire que ces métiers sont réservés aux femmes. En fait, la RTS ne fait que suivre les recommandations des autorités qui préconisent depuis longtemps l’usage du langage inclusif, en allemand, en tout cas. Le canton de Vaud le fait lui pour le français, comme l’université de Neuchâtel.

Une chaîne bousculée par un scandale de harcèlement sexuel

Mais cette évolution ne fait pas que des heureux. En interne, de nombreuses voix critiquent une décision prise aux forceps, dans le sillage d’affaires de harcèlement sexuel. Plusieurs employés contactés, mais qui ne souhaitent pas s’exprimer publiquement, regrettent la méthode. Déjà, ils ont peu apprécié la vidéo de la RTS, qui distribue les bons et les mauvais points. Ce qui ne passe pas non plus, c’est la façon d’imposer le langage épicène, sans véritable concertation. Et sous la pression, disent-ils, d’un collectif qui ne représente pas les salariés.

On ne peut pas comprendre ce qu’il se passe à la RTS si on n’explique pas que l’entreprise publique est déstabilisée par un vaste scandale de harcèlement. C’est cette affaire qui a provoqué le retrait de l’antenne de LCI de l’ancien présentateur star ici en Suisse, Darius Rochebin. La presse n’y va d’ailleurs pas de main morte avec la RTS. Un éditorial du quotidien Le Temps déplore que la RTS ait « cédé au militantisme » pour faire oublier son pédigree en la matière. La Tribune de Genève parle elle du « triomphe d’une idéologie, qui n’a rien à voir avec l’égalité homme-femme ». Du côté de la radio publique, on affirme que le débat a été lancé bien avant le scandale. D’autres médias ont d’ailleurs emboîté le pas. Le journal Le courrier par exemple, va se lancer dans le langage inclusif. Même si c’est plus compliqué pour la presse, où les caractères sont comptés sur chaque page.