Les 60 ans de l’ogre ( 20 minutes)

Mais non, le sujet n’est pas Jacques Chessex mais la terrible face nord de l’Eiger

http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/22943738

Le premier sauvetage sur l’Eiger, c’était il y a 60 ans

En août 1957, quatre alpinistes se retrouvent en difficulté sur la face nord de la mythique montagne. Trois n’y survivront pas.

storybild

A gauche, une vue de l’Eiger.

Il y a 60 ans, la face nord de l’Eiger était le théâtre d’une tragédie qui allait marquer les esprits. Trois alpinistes y sont morts. Un seul a survécu, grâce à une opération de sauvetage sans précédent. C’était la première couronnée de succès sur cette paroi.

Au matin du 3 août 1957, les deux Italiens Claudio Corti et Stefano Longhi commencent leur ascension de la face nord de l’Eiger. Mais dès le départ, les choses se déroulent mal: ils doivent changer d’itinéraire et bivouaquer.

Le lendemain, ils sont rejoints par les Allemands Günther Nothdurft et Franz Mayer, qui ont déjà perdu un sac de provisions. Les quatre hommes décident de continuer leur chemin ensemble.

Deux blessés

Mais la malchance poursuit le quatuor. Le 9 août, Stefano Longhi dévisse, alors qu’il traverse le passage étroit de l’Araignée blanche. Ses camarades de cordée réussissent à amortir sa chute, mais pas à le remonter. Ils le laissent sur une corniche et partent chercher de l’aide.

Peu après, Claudio Corti est blessé par une chute de pierres. Les deux Allemands lui laissent leur sac de bivouac et continuent leur ascension. Ils se tueront plus tard dans la descente.

Pendant ce temps, dans la vallée, on s’est rendu compte que les quatre alpinistes sont en difficulté. De nombreux curieux suivent ce qui se passe à l’aide de jumelles.

Sauvetage spectaculaire

Le poste de secours officiel à Grindelwald (BE) ne veut pas tenter de sauvetage en raison du mauvais temps. Une décision qui lui vaudra de vives critiques.

Dans son livre «Eiger, théâtre du vertige», l’auteur Daniel Anker écrit que le secouriste et alpiniste Ludwig Gramminger se serait alors exclamé: «Ce n’est pas possible qu’on ne puisse rien faire».

Ludwig Gramminger rameute rapidement des camarades. Une cinquantaine d’alpinistes de six pays se joignent à l’équipe de secours internationale. Le 11 août 1957, ils se lancent dans une tentative de sauvetage spectaculaire.

«Fame, freddo»

A l’aide d’un câble d’acier fixé au sommet, un homme est descendu vers Claudio Corti. Il parvient à attacher le blessé sur son dos et à se faire hisser au sommet. L’Italien est ramené dans la vallée sur une civière. C’est la première fois que le sauvetage d’un blessé dans la face nord de l’Eiger est couronné de succès.

Des problèmes de radio, ainsi que des changements brusques de météo empêchent ce jour-là le sauvetage de Stefano Longhi, qui est bloqué plus bas. Les secouristes lui crient qu’ils vont venir le chercher le lendemain. Il leur répond avec ces deux mots: «fame, freddo» (faim, froid). Il ne survivra pas à la nuit.

Pendant deux ans, le corps de Stefano Longhi restera pendu à la falaise, tel un mémorial macabre, bien visible des touristes. Ce n’est qu’en 1959 que l’on parviendra à rapatrier la dépouille.

Les deux Allemands, eux, restent introuvables. A l’époque, on ne sait pas encore qu’ils ont atteint le sommet et péri dans la descente.

Cible de critiques

Le drame qui s’est joué sur l’Eiger fait les gros titres. Dépassé par la situation et peu habitué à s’exprimer publiquement, Claudio Corti fait des déclarations confuses. Pour lui commence alors un véritable calvaire. Il devient la cible de critiques et d’attaques de la part des médias et d’alpinistes, dont Heinrich Harrer.

On l’accuse d’être responsable de la mort de son coéquipier Stefano Longhi. On le soupçonne même d’avoir poussé les deux Allemands en bas de la paroi, afin de mettre la main sur leur matériel.

Ce n’est que quatre ans plus tard que les soupçons qui pesaient sur lui sont définitivement levés. En septembre 1961, les corps des deux Allemands sont trouvés par hasard sur le flanc ouest de l’Eiger. Il est dès lors clair que les deux alpinistes avaient atteint le sommet et perdu la vie au cours de la descente.

Malgré cela, l’image négative qui avait été accolée à l’Italien survivant ne s’estompera que progressivement. L’alpiniste au riche palmarès est décédé en 2010 à l’âge de 81 ans dans sa résidence italienne.